Valentine Doffiny obtient une bourse FRESH pour étudier la criminalité féminine

Interview


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Son projet de recherche a pour ambition de développer les connaissances sur la criminalité féminine, un sujet encore très peu exploré par la littérature scientifique.

Peux-tu nous en dire plus sur ton projet de recherche ?

Mon projet est né d’un constat : il y a une véritable invisibilisation des femmes criminelles au sein de la littérature scientifique nationale ou internationale, car le sujet a été globalement peu exploré. Ce qui suscite toute une série de questions : qui sont les femmes criminelles ? Existe-t-il des profils spécifiques ? Quels sont les types de faits qu’elles commettent ?

Mon projet de recherche poursuit plusieurs objectifs. Le premier est de dresser un état des lieux de la criminalité des femmes en termes d’ampleur du phénomène, d’évolution et de profil. Je m’intéresserai particulièrement aux femmes incarcérées au sein des prisons francophones belges.

Par ailleurs, je voudrais également déterminer s’il existe des distinctions importantes par rapport à ce que l’on sait de l’homme criminel. Pour ce faire, je vais tester empiriquement les modèles théoriques portant sur l’étiologie criminelle, c’est-à-dire sur l’étude des causes du crime. Ces modèles ont généralement été développés sans tenir compte du genre. Je prévois également d’explorer de manière plus approfondie le facteur « milieu de vie » en tenant notamment compte du passé de la personne. Pour ce faire, je vais mobiliser et combiner deux approches particulières qui sont l’étude du « parcours de vie » de la personne et le concept de « Victim-offender overlap ».

Mon projet tentera enfin de générer de nouvelles connaissances dans la compréhension de la criminalité féminine en proposant l’ajustement des modèles théoriques d’étiologie criminelle à la gent féminine. Plus concrètement, ce dernier point sera aussi complété par le développement de nouvelles pistes d’action en termes de prévention et de prise en charge des femmes incarcérées.

 Comment en es-tu venue à t'intéresser à ce sujet ?

Durant mes quelques années d’assistanat au sein du Département de criminologie avec le Professeur Sophie André, j’ai mené une recherche empirique de plusieurs mois sur les femmes prostituées de rue. Lors de cette recherche, j’ai été amenée à me rendre sur le terrain à la rencontre de ce public particulier.

Au fil des interviews menées, j’ai pris conscience qu’une grande partie de ces femmes étaient insérées dans des trajectoires criminelles importantes avec des parcours de vie souvent atypiques.

Ce constat a attisé ma curiosité scientifique et m’a donné envie d’étudier les trajectoires criminelles des femmes en général. D’autant plus que ce sujet n’a jusqu’à présent suscité que peu d’intérêt de la part de la sphère scientifique. 

Quels pourraient être les impacts concrets de ta recherche ?

Cette recherche va permettre de lever le voile sur les trajectoires délinquantes des femmes et d’enrichir les connaissances sur celles-ci. Il va également permettre d’assurer une compréhension plus complexe des parcours antérieurs des femmes inscrites dans une trajectoire criminelle. Nous pourrons ainsi tenter de comprendre les éléments liés à l’entrée et au maintien dans cette trajectoire. En réalité, une meilleure connaissance de la criminalité féminine est indispensable pour pouvoir agir sur le phénomène criminel dans toutes ses phases : de la prévention et de la détection au processus de désistement, en passant par la prise en charge.

Outre les conséquences pratiques au niveau de l’intervention auprès de ce public, avec comme objectif final de favoriser le processus de désistance et donc de sortie de la délinquance, ces éléments ont pour objectif de prendre davantage en considération les facteurs de risques impliqués dans l’entrée et le maintien de la délinquance. Ils constituent en ce sens des éléments primordiaux pour la détection et l’intervention en la matière.

Quelles sont les prochaines étapes pour ta recherche ?

Dans les semaines et mois à venir, je vais réaliser un premier travail d’analyse de données en vue de répondre au premier objectif de ma recherche : documenter les savoirs sur les femmes criminelles. Pour ce faire, je vais procéder à une analyse systématique des dossiers individuels des femmes incarcérées de 2016 à aujourd’hui, ce qui me permettra de dresser une typologie des femmes incarcérées en Belgique francophone pour cette période.

Les résultats obtenus suite à ce premier travail seront ensuite diffusés lors d’un Colloque organisé par l’Association Internationale des Criminologues de Langue Française qui se tiendra en mai 2022 à l’Université d’Ottawa au Canada.

Son parcours

Valentine est titulaire d’un master en criminologie de l’ULiège. Avant d'obtenir une bourse FRESH, elle avait intégré le service de Méthodologie et de Criminologie du Professeur Sophie André en tant qu'assistante. De plus, elle a également travaillé pour le Fonds Social Européen au sein d’un Centre Psycho-Médico-Social dans la lutte contre le grand décrochage scolaire des jeunes en région liégeoise. 

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