Ljupcho Grozdanovski décroche un mandat de chercheur qualifié du FNRS à l'ULiège


imgActu

Ljupcho Grozdanovski, chercheur en droit spécialisé dans l’intelligence artificielle au sein de l'unité de recherches Cité (Faculté de Droit, Sciences politique et Criminologie), obtient un mandat de chercheur qualifié du FNRS, le Fonds National pour la Recherche Scientifique de l’Université de Liège afin de continuer ses recherches sur ses deux principaux centres d’intérêt : l’intelligence artificielle et l’administration de la justice et de la preuve.

L

jupcho Grozdanovski trouve l’idée d’explorer, d’une part, le domaine de l’intelligence artificielle et d’autre part, celui de la justice et de la preuve après avoir publié, en 2021, un article concernant l’utilisation, par Amazon, d’un algorithme de recrutement de travailleurs. En liant le niveau de performance professionnelle avec le genre (masculin) des travailleurs, cet algorithme a fini par systématiquement écarter les Curricula Vitarum de femmes en devenant ainsi ‘auteur’ d’une discrimination sur le fondement du sexe. Dans ce cadre, cet article traite de la question suivante : comment les femmes-victimes d’une discrimination ‘algorithmique’ pourraient établir, devant un tribunal, qu’elles avaient fait l’objet d’une inégalité de traitement provenant d’un système intelligent… et non-humain?

« En ce qui concerne l’administration de la preuve et de la justice en général, » explique le chercheur, « il va y avoir des problèmes qu’on ne rencontre pas quand il s’agit d’un différend qui ne concerne que des agents humains. En effet, assez souvent, le problème avec ces algorithmes est que leurs décisions sont opaques. Donc, comment pouvez-vous savoir que vous êtes discriminés si vous ne savez pas comment l’algorithme a pris sa décision ? » Il émerge donc un problème d’accès aux faits et donc, aux preuves, sans lesquelles il est impossible de juridiquement faire valoir sa cause et demander à un tribunal d’octroyer des mesures de protection et/ou de compensation.

De surcroit, les victimes des dommages dits algorithmiques ne sont pas les seules qui éprouvent des difficultés probatoires. On doit aussi tenir compte des programmeurs et déployeurs d’IA, qu’on aurait tendance à ‘accuser’ par défaut des agissements préjudiciables des systèmes qu’ils auraient créés et mis sur le marché. Pour eux, la principale question est la suivante: « Comment est-ce qu’on peut se défendre contre des dommages dont on n’est pas directement responsable ? En droit de la preuve, que ce soit national ou de l’Union européenne, il y a ce dogme millénaire qu’un dommage est inévitablement causé par un agent humain, ou en tout cas, qu'il est toujours possible de désigner un responsable humain via différentes preuves. Or maintenant, nous avons des systèmes non-humains qui font preuve d’une intelligence qui s’apparente à l’intelligence humaine. Le dogme millénaire de l’agentivité (et donc de la rationalité) humaine n’est plus tenable, car il y a de plus en plus de litiges qui émergent et qui portent sur des dommages causés par des systèmes intelligents sans intervention humaine apparente. » 

Finalement, à travers l’étude des difficultés probatoires suscités par l’IA, Ljupcho Grozdanovski relève un risque majeur : celui de l’émergence d’un double standard de protection juridictionnelle à laquelle pourraient prétendre les parties aux litiges ‘classiques’ et  celles aux différends qui impliquent des systèmes intelligents. Nos droits de la preuve sont adaptés aux cas dans lesquels l’agentivité humaine n’est pas en cause, mais ils sont mal adaptés aux cas où elle n’est pas évidente. Le danger de cette inadaptation est que, dans les litiges dits algorithmique, les parties soient laissées sans protection juridictionnelle adéquate. Il faut ainsi trouver une solution qui permettrait d’assurer un niveau uniforme d’effectivité de la justice et ce, indépendamment du fait de savoir si des dommages furent causés par des agents humains ou des entités intelligentes et non-humaines.

Quant à son intérêt pour cette thématique : « C’est un domaine qui est tout nouveau et où il y a littéralement tout à construire. J’ai en effet pu identifier une sorte de lacune dans la doctrine ; une lacune que j’espère pouvoir combler. C’est un domaine où je peux traiter des questions qui m’intéressent de toute manière à savoir, la théorie de la justice et celle de la preuve. Comme l’IA est un phénomène naissant, elle permet d’exercer une sorte de créativité et de produire des recherches prospectives qui pourraient intéresser non seulement le milieu académique, mais les régulateurs et les milieux intéressés également. »

 

À propos de Ljupcho Grozdanovski

D’origine nord macédonienne, Ljupcho Grozdanovski poursuit des études de droit à l’Université de Strasbourg. Il travaille ensuite en tant qu’assistant à l’Université de Genève. En 2015, il défend sa thèse sur la présomption en droit de l’Union européenne,  à l’université d’Aix-Marseille. Ljupcho Grozdanovski choisit ensuite d’effectuer un premier postdoc en Suisse (U.Neuchâtel/U.Genève). En 2019, il arrive à l'Université de Liège pour travailler sur un projet s’intéressant à l’intelligence artificielle et son impact sur le marché du travail. Après avoir effectué un fellowship à la New York University (NYU) et après avoir enseigné le droit européen à l’Université de Nantes, Ljupcho Grozdanovski rejoint l’ULiège. En octobre 2022, il décroche un mandat de chercheur qualifié au FNRS, le Fond National pour la Recherche Scientifique.

La preseomption en droit de UE

* Grozdanovski, L. (2020, 25 février). La présomption en droit de l’Union européenne. ANTHEMIS.


Un article rédigé par Lola Barnabé, stagiaire au Dpt Communication de l'Université de Liège

Partagez cette news